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LA RIVIERE GLACEE
10 juin 2007

Il est le seul à remonter mais il croise des gens

Il est le seul à remonter mais il croise des gens qui descendent. Il est très fatigué. Il voit soudain la fleur de lumière rose ressurgir à l’horizon, beaucoup plus grande. Elle ne reste que quelques secondes puis s’éteint. Borg est très intrigué, il essaie de comprendre d’où peut venir cette…fleur. Il existe  donc autre chose que le froid et l’obscur.

Attiré par l’idée de lumière, Borg poursuit son chemin. Il veut sortir de cette rivière et rejoindre des lieus plus hospitaliers. Tout au long de sa pénible progression, il rumine sa nouvelle découverte :

-  «  Mais qu’est-ce que cette lumière qui apparaît ainsi, ne deviendrais-je pas  fou par hasard? »

Borg réfléchit. Son esprit est scientifique, le paranormal lui est étranger, mais il a connu des gens qui y « croyaient. »

Il a entendu une personne sortant d’un coma profond lui raconter des histoires de vie après la mort. Il l’a écoutée patiemment parce que c’est son travail : il est médecin, mais sans y croire. Cependant, il n’a jamais entendu parler de ces phénomènes lumineux, sauf bien sûr dans des histoires de fantômes, des histoires d’enfant.

- «  Pour le moment la priorité est de remonter, je penserai à tout cela plus tard. » Se dit-il.

Au fur et à mesure qu’il avance, le ciel s’éclaircit, la rivière se rétrécit et il voit enfin qu’elle se termine là.

L’avance devient plus pénible car l’eau se fait boue collante.

-  «  On dirait que cette rivière essaie de m’engluer pour me retenir, quelle poisse ! Mais je ne me laisserai pas faire, d’ailleurs elle est en train de crever cette engeance de rivière. »

Une haute colline lui cache l’horizon. Il fait moins froid, il baisse sa capuche et observe le paysage autour de lui. Plusieurs chemins lui sont offerts. Celui qui descend vers l’ombre semble le plus facile et Borg est éreinté, c’est pourquoi il hésite encore une fois. Mais il sait ce qui l’attend du côté obscur, et cela, plus jamais !

Là, il est bien, épuisé mais le corps réchauffé et l’esprit aiguillonné par l’idée que « plus on monte, mieux ça va. »

Alors il choisit de monter vers la lumière.

-  «  Je pense que là haut, tout doit être plus beau » dit-il.

Arrivé en haut du chemin, Borg s’arrête, ébloui par la clarté nouvelle, composée d’un éventail de nuances délicates.

La lumière pénètre en lui et l’envahit tout entier. Il a l’impression d’être lumière et de rayonner.

-  «  Je dois rester dans des endroits lumineux et ne plus fourvoyer plus dans des lieux d’horreur… Mais au fait, qu’y faisais-je? »

Alors, dans un éclair, il se souvient du malheur qui l’a conduit au voyage infernal. Il s’écroule sur le sol, anéanti. Il hurle sa souffrance et pleure avec tant de force que sa veste en est trempée. Il se demande alors si la rivière maudite n’est pas crée par les larmes de tous les malheureux.

Cette idée le détourne de son obsession, et il remarque que le paysage autour de lui s’assombrit, que le ciel est chargé de vibrations inquiétantes. Il en est si surpris que cela arrête net sa crise de larmes.

-  « On dirait que ma manière de penser influence l’extérieur… »

Il respire profondément et pense : Lumière… Cela marche ! Tout autour de lui redevient clair.

- «  C’est fabuleux, cette histoire! »

Il reprend la route en essayant de comprendre ce phénomène, mais la question reste entière et frémissante.

La nuit tombe. Borg est épuisé et il a froid. Il veut s’arrêter pour dormir, mais répugne à s’installer sur le sol humide, comme une bête. C’est alors qu’il aperçoit une petite maison en ruine qui peut  lui servir d’abri pour la nuit. Le ciel est si pur qu’il laisse s’exprimer des millions d’étoiles. Borg écoute le chant des étoiles en alliance avec la paix qui l’imprègne.

Lorsqu’il entre dans la maison, il est étonné de la trouver relativement propre. Il manque un morceau du toit, les murs sont lépreux et le sol poussiéreux, mais il ne voit aucun des signes de vandalisme qu’on trouve souvent dans des endroits abandonnés. Dans un coin, il y a des planches posées sur des pierres, avec dessus un vieux matelas et une couverture. Borg se demande qui vient y dormir, un ermite? Un berger ? Peut-il  l’occuper? La question lui paraît dérisoire par rapport à sa fatigue…

Il pensait sombrer très vite dans le sommeil mais il n’en est rien. Son histoire, oubliée un moment dans l’effort accompli, surgit de sa mémoire. Borg revit la trahison, l’horreur de découvrir un monstre dans l’être aimé. Le dégoût lui donne envie de vomir.

Le plus terrible lorsqu’on raconte l’histoire de son malheur, c’est qu’elle semble dérisoire à ceux qui l’entendent. Ils ont du mal à comprendre comment un événement assez banal à leurs yeux, peut engendrer un drame aussi violent et toutes les conséquences qui en résultent. Le sentiment de compassion est alors trop faible pour que l’aide offerte se prolonge dans le temps. Une trahison est souvent considérée avec ironie, et il n’est pas rare que l’auditeur en sourie. C’est incroyable d’être aussi bête ! C’est presque la victime qui devient le coupable.

Les gens se lassent, alors le malheureux se retrouve seul.

-  «  Le mal engendre le mal, pense Borg. Il faut que j’apprenne à contrôler mes pensées pour ne jamais plus connaître la haine qui est, de tous les sentiments, le plus répugnant.  Ni la rancune qui grignote l’harmonie avec autant de virulence qu’un rat un fromage. »

Il peut enfin devenir spectateur objectif de son histoire et la trouve sordide.

Borg conclut que, finalement, ce ne sont point tant les évènements qui nous font souffrir que l’idée qu’on s’en fait. Et il s’endort…

En se réveillant le lendemain, Borg éprouve un sentiment de  sécurité qu’il n’a jamais connu. Comme la faim le tenaille, il fait l’inventaire de ses poches, et trouve son portefeuille avec ses papiers, sa carte bancaire mais plus d’argent. Il trouve aussi une enveloppe qui contient quelques petits billets. Mystère ! Il avait un portefeuille bourré de billets qu’il retrouve vide, et récupère une enveloppe  avec un peu d’argent…

Il franchit le col qui le mène au prochain village et décide  d’acheter juste de quoi subsister quelque temps. Il fera vite, il ne veut pas se faire remarquer. Il se munit de pain et diverses choses pour l’accompagner.

En sortant de la boutique, Borg se retourne et surprend le regard malveillant de la marchande. Mais ce qui l’étonne le plus c’est son propre reflet dans la vitre. Il ne se reconnaît pas. Celui qui le regarde est un clochard. Il prend conscience de l’odeur de sueur qui émane de son corps.

-  «  Pas étonnant qu’on me regarde de travers ! » Pense-t-il.

De retour à la petite maison, Borg se déshabille complètement et  va se laver à une fontaine qu’il a trouvée dehors, derrière un mur. Comme il n’a aucun nécessaire de toilette, il utilise du sable pour gratter sa crasse. Ensuite, il écrase quelques fleurs sauvages entre ses mains et les passe sur tout le corps, histoire de sentir meilleur. Il lave ses vêtements, un ensemble pantalon et veste à capuche en grosse toile lainée, et les étend au soleil, en se demandant comment il a bien pu s’accoutrer de telles horreurs.

Depuis le moment où il s’est enfui de chez lui comme un fou, et, d’autant qu’il se souvienne, dans une tenue civilisée, il n’a aucune idée de la façon dont il est arrivé ici.

Il s’enveloppe dans la couverture et commence à établir les bases de sa nouvelle vie. Il décide sa nouvelle personnalité selon ses idées et non point celles des autres. Défaire ce qui a été mal fait, faire ce qui n’a pas été fait. Il faut le faire ! Borg sourit dans sa barbe naissante, le travail qu’il veut entreprendre le passionne. Il s’endort un moment, et lorsqu’il se réveille, il voit que ses vêtements sont secs, mais très rugueux.

Il se rhabille et décide d’aller découvrir l’environnement dans le jour qui décline, pour choisir le chemin qu’il prendra en partant. Il marche jusqu’à la crête de la colline proche, et ce qu’il voit lui coupe le souffle. A l’infini se déroule une suite de vallonnements qui se noient dans la brume du soir.

Borg a l’impression de redevenir enfant. Ses pensées sont simples. Le regard pur qu’il pose sur les choses les rend plus belles.

Il rentre à la maison dans la nuit claire, il n’a jamais vu une lune aussi brillante. Il se couche dans un rayon de lune et s’endort vite.

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