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LA RIVIERE GLACEE
10 juin 2007

Au troisième appel, elle obtient Madame Samplard,

Au troisième appel, elle obtient Madame Samplard, et lui demande si Louise peut lui rendre un service. Marie-Thérèse répond que bien sûr, cela va de soi, et qu’elle lui passe sa fille. Louise comprend très bien la demande de Béryl, mais il faut dire à sa maman de lui laisser des moments de tranquillité. Béryl sourit et s’exécute.

        Alors, dans le calme du soir, de longues écharpes de lumière envahissent la vallée, et se réunissent pour former une brume d’une luminosité intense, mais personne ne la voit. Cela dure toute la nuit, par intermittence de repos pour chacun. Au matin, ils sont épuisés et prennent un solide petit déjeuner avant d’aller dormir, puis de recommencer.

        Dans la vallée, des personnes qui n’auraient jamais eu l’idée de prendre des vacances à cette époque de l’année, préparent frénétiquement leur départ. D’autres ont l’envie irrépressible de voir une vieille tante qui habite au loin. Aucune considération de travail ou d’école ne les retient.

Pour les familles unies, cela se passe bien. Pour les autres, la discorde règne entre les époux qui ne sont pas d’accord. Quelques couples se séparent, car rien ne peut retenir celui des deux qui a reçu le message d’urgence. Il ne PEUT pas rester.

Les maisons se vident tout le jour, mais il reste encore beaucoup de monde.

Ceux qui sont encore là voient des centaines d’animaux s’enfuir vers les collines. Ils ont eux aussi reçu le message. Des biches, des écureuils, des lapins, quelques rares sangliers, des souris et des rats, et même des hérissons. Ils voient se rassembler et s’envoler des milliers d’oiseaux, et ceux qui sont en cage deviennent fous et se blessent en se cognant aux barreaux. Des basses-cours entières se vident. Les vaches se ruent sur les barbelés et réussissent à s’enfuir. Certaines d’entre elles sont affreusement blessées, mais elles courent malgré tout sur la route d’Evreux pour rejoindre le plateau. Les chevaux font de même – ceux qui sont en liberté – les autres ruent et hennissent lamentablement dans les écuries où ils sont prisonniers. Des chats et des chiens les suivent. On voit même des insectes : fourmis, araignées, grillon, quelques serpents aussi. Tout ce qui vit est là qui s’enfuit. Seuls, les poissons échappent à cette panique, car chacun sait qu’il n’y a pas plus heureux qu’un poisson dans l’eau.

Cela finit par intriguer les gens, et dans un café de village, un vieux gars dit à ses copains :

-   « Moi aussi je me tire : Quand les rats quittent le navire, ç’est mauvais. Y s’en vont tous. Je n’ sais pas trop ce qui s’ prépare, mais j’ m’en va chez mon fils, à Rouen. Salut les gars ! »

Alors les autres s’inquiètent aussi, forcément. Ils en parlent entre eux, et avec leurs voisins. Certains vont voir le Maire pour glaner des informations, mais il ne peut dire que : « Personne ne sait ce qui se passe, mais tout le monde fout le camp. » Et les départs continuent tout le jour. Il ne reste plus grand monde, le soir. Ceux qui restent sont des personnes axées sur le côté négatif de la vie : « Les méchants » comme les nomme Jeannot, les malheureux en route pour la rivière glacée, et ceux qui n’ont pas voulu quitter leur maison, soit parce qu’ils n’ont pas d’autre endroit où aller, soit parce que leur maison est pour eux la chose la plus importante au monde.

Alors, dans une nuit sans lune, sans étoiles, il se met à pleuvoir. Très fort. Et de plus en plus

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CHAPITRE 4

        Chez Marie, au petit matin, la pluie qui martèle les soupentes les a tous réveillés. C’est le branle-bas de combat. Il est convenu que les deux femmes restent à la maison. Béryl en raison de son état, Marie parce qu’elle a peur de l’eau et qu’elle ne sait pas nager. Jeannot et Borg vont prendre le tout-terrain pour aller voir l’étendue du désastre, et porter secours en cas de nécessité. Ils passeront ensuite chez le Maire pour proposer leurs services.

        La conduite s’avère déjà difficile sur le plateau, la pluie est si drue que les essuies glaces n’ont pas le temps de tout balayer. La visibilité est pratiquement nulle. Mais dès qu’ils amorcent la descente, les choses se compliquent : La route est devenue un torrent furieux, des branches, et toutes sortes de choses y sont entraînées. Heureusement que c’est Jeannot qui conduit, pense Borg. Plus ils descendent vers la vallée, et plus  la route devient dangereuse. Jeannot fait remarquer :

-   « On a intérêt à serrer les fesses, on ne voit même plus où finit la route et où commence la flotte. On peut se retrouver dans un lac d’un moment à l’autre, sans avoir eu le temps de s’en apercevoir. Je serais d’avis de revenir, et d’aller voir le Maire. »

-   « Je sais, mais cela me déplait de renoncer aussi vite. Il y a peut-être des gens en détresse en bas. »

-   « D’accord, mais si tu veux les secourir, c’est un bateau, qu’il faut ou une bagnole amphibie. Si on continue comme ça, c’est nous, qu’il faudra secourir. Alors ? »

-   « Tu as raison, il faut revenir. »

Jeannot hésite. Faut-il remonter en marche arrière ou faire demi-tour ?

Il opte pour la deuxième solution, parce qu’il n’aurait plus aucune visibilité en marche arrière. Faire demi-tour dans ces conditions est une gageure. La route n’est pas large, et en pente, avec de hauts talus de chaque côté. Ils auraient du continuer vers la grande route au lieu de passer par ici. Mais c’est trop tard pour avoir des regrets. Il faut faire avec. Tant qu’il s’agissait de suivre le mouvement de l’eau en descendant, ça allait encore, mais effectuer les manœuvres nécessaires à remonter, c’est une autre paire de manches. Jeannot met le «crabot», et, en vitesse réduite, amorce une série de petits virages en avançant, puis en reculant. « Jusqu’à là, ça va se dit-il, j’en suis à la moitié. » Jeannot est toujours optimiste, mais il n’a pas réfléchi que le fait d’en être « à la moitié », met la voiture en travers de la route, la position la plus vulnérable. Au moment où il braque pour remonter, un énorme flot de boue et de branches les entraîne vers la vallée, comme un fétu de paille…

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