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LA RIVIERE GLACEE
10 juin 2007

Le lendemain après midi, Borg décide d’aller à la

                   Le lendemain après midi, Borg décide d’aller à la bibliothèque nationale pour continuer ses recherches, puisque celle de son quartier ne possède pas les livres appropriés. Jeannot lui dit qu’il n’a jamais visité de grande bibliothèque, et que ça l’intéresserait de voir ça. Borg lui répond qu’il veut bien l’emmener, mais qu’il risque de trouver le temps long pendant ses recherches. Mais comme Jeannot s’obstine - il aime les livres - Les deux amis partent ensembles.

Arrivé là-bas, Borg repère l’emplacement des catégories de livres qui l’intéressent, et commence à chercher dans les rayonnages. Jeannot ne le quitte pas, et Borg lui dit :

-  « J’en ai pour un moment, tu peux prendre un livre et aller t’asseoir. »

-  « Non, j’irai m’asseoir avec toi quand tu auras trouvé tes livres. »

Borg ne dit rien mais se demande si son ami n’est pas un peu impressionné par l’endroit. Il continue à fouiller, quand soudain, ils entendent de l’autre côté du rayonnage, fredonner une voix féminine. Jeannot lui dit :

-  « Tu entends ? C’est notre chanson. »

Borg sourit de l’expression assez équivoque, mais en effet, il entend une femme qui chante (horriblement faux) l’aventu-ure, c’est l’aventu-u-ure…

-  « Viens, on va voir comment elle est, ça fait bougrement longtemps qu’on a pas eu de femme près de nous, on va finir par nous prendre pour deux tapettes. »

-  « On n’est pas venu ici pour draguer. »

-  « Viens, je te dis, on va juste voir… Si elle est moche, on se casse, promis. »

Ils contournent le rayonnage et voient une femme qui feuillette un livre, des lunettes sur le bout du nez, en continuant à fredonner. Elle n’est pas moche, plus toute jeune, la quarantaine pense Jeannot, de longs cheveux roux, souples et brillants attachés sur la nuque. Ils restent là tous les deux à la regarder, quand elle relève la tête, soudain consciente de leur présence. Alors il se passe quelque chose qui les sidère. La femme laisse tomber le livre, devient toute pâle et vacille. Ils se précipitent pour la retenir, et Borg dit à Jeannot d’un air de reproche :

-  « Tu vois, on lui a fait peur ! »

La femme se ressaisit, les regarde comme s’ils étaient des diplodocus et leur demande :

-  « Mais qui êtes-vous ? »

Jeannot, qui la tient encore par le bras, lui répond :

-  « Nous sommes désolés de vous avoir effrayée, Madame, nous avons entendu cette chanson que vous fredonniez, et comme c’est notre chanson, nous avons voulu savoir qui la chantait. »

-  « C’est complètement dingue ! Mais qui êtes-vous ? »

Borg regarde Jeannot avec une mimique qui semble vouloir dire : « C’est une dingo. » Mais Jeannot capte le regard de la femme, et des yeux comme ça, il en a déjà vu, il sait ce que ça veut dire. Surtout pas qu’elle est dingo.

-  « Je suis Jeannot, Madame, et voici mon ami Borg. »

-  « Vous vous moquez de moi, cela n’est pas très gentil, vous avez lu mon livre et vous voulez me faire une farce ? »

-  « Madame, je vous donne ma parole que nous disons vrai, mais votre réaction mérite une explication. »

-  « D’accord, mais avant, vous me prouvez que Jeannot et Borg sont vraiment vos noms. »

Borg est stupéfait quand il voit son ami sortir sans discuter son portefeuille et montrer ses papiers à la femme.

-  « Vous vous appelez Jean, cela ne veut rien dire. »

-  « Borg, s’il te plait, montres tes papiers à la dame. »

Borg n’y comprend rien, mais si Jeannot lui demande cela, c’est qu’il doit avoir une bonne raison. La femme regarde les papiers et baisse la tête.

-  « Je vous demande pardon, mais il fallait vraiment que je sache. »

-  « Alors maintenant, on peut comprendre ? »

-  « C’est… inexplicable. Je m’appelle Marie Valente. Je viens de publier un livre. Vous allez vous le procurer et le lire. Je vous écris le titre et l’auteur. Je vous laisse aussi mon numéro de téléphone. On verra bien. »

-  « Et c’est tout ? »

La femme relève la tête, leur sourit et dit :

-  « C’est déjà pas mal, vous verrez. Lisez ce livre, et peut-être à bientôt !

Et elle s’en va, comme ça…

Borg est médusé, Jeannot est en train de lire la carte que la femme lui a laissée. Il demande à son ami :

-  « Tu sais comment il s’appelle son bouquin ? »

-  « Comment veux-tu que je le sache ? »

-  « La rivière glacée. Troublant, hein ? »

Borg arrache la carte des mains de Jeannot et lit. C’est bien ça. Mais qu’est-ce que c’est encore que cette histoire de fou ?

-  « Viens Jeannot, nous partons, allons chercher ce livre, cette histoire m’intrigue. »

        Ils ont trouvé le livre. Borg commence à le lire dans le taxi. Il y a des illustrations, et il reconnaît les deux personnages, c’est indéniablement lui et Jeannot. C’est incroyable. Il revit son voyage sur la rivière, il y a même le petit vieux avec son chien, et la dame qui se laisse glisser dans l’eau. Il dévore les lignes. Tout y est, la maison en ruine, et même sa fleur de lumière. Tout. Il continue avidement, il retrouve même les sentiments qui furent siens dans ces moments.

Il est bien obligé de s’arrêter quand le taxi arrive devant chez lui. Il paye, il monte vite, et demande à Jeannot de lui laisser un moment pour terminer le livre dans sa chambre.

Le voyage avec Jeannot est là, sa mère, la Belbish, sa femme, le bateau mouche. Tout. Le livre se termine maintenant, quand Jeannot s’en va en Normandie. Il pose le livre à côté de lui et réfléchit. Cette femme a raison, c’est complètement dingue, et inexplicable. Pour le moment. Car il a fermement l’intention de la rappeler, cette étrange personne qui possède l’accès de ses pensées les plus intimes.

Il entend Jeannot qui tourne rond dans le salon. Pauvre Jeannot, lui aussi doit se poser des questions. Il sort de sa chambre et regagne le salon. Jeannot lui demande :

-  « Et alors ? »

-  « Tiens, lis cela, je te laisse tranquille, je vais faire un petit tour à pied jusqu’au bois. »

En se promenant dans le bois, Borg voit les premières feuilles d’automne tomber dans les allées. Il pense à cette femme. Qui est-elle ? Ce qui est le plus troublant, c’est qu’il est presque certain que ce livre a été écrit AVANT que ces évènements n’arrivent. Il a quitté son domicile il y a exactement 18 jours, il le sait maintenant. Mais ce qu’il sait aussi, c’est qu’il est pratiquement impossible dans ce laps de temps d’écrire un livre, de l’illustrer, de l’éditer et de le distribuer. Alors ? Il s’assoit sur un banc et regarde des pigeons picorer des miettes que leur donne une vieille dame assise à côté. C’est une image simple et reposante après les cahots du chemin de sa vie. La petite grand-mère regarde les pigeons en souriant d’un air attendri. L’amour est partout quand on sait regarder.

Et cet amour pour Jeannot qu’il porte en lui comme un feu de joie, qu’en sera t-il quand son ami partira ? Jeannot, c’est le père qui lui a manqué, c’est le frère qu’il n’a jamais eu, c’est l’Ami, le seul  finalement. Et cet ami va le quitter ; il ne peut ni ne veut le retenir. La vie continuera, avec l’espoir de le revoir. Il a son travail et ses recherches, mais comme il va se sentir seul. Ce sentiment de solitude, c’est le seul qu’il ait rapporté de la rivière glacée, et il sait qu’il va longtemps lui coller à la peau.

CHAPITRE  4

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